[Critique] Jusqu'en Enfer de Sam Raimi

Publié le par BDboY

Il y a longtemps qu'on l'attendait ce retour de Sam Raimi au genre qui a fait sa gloire. Je veux bien sûr parler du film d'horreur à tendance loufoque à la manière de sa trilogie Evil Dead. Et on peut dire que l'attente en valait la peine quand on voit le résultat, tout simplement hallucinant, sur grand écran. Le film frôle la perfection que ce soit aussi bien du coté de la technique que du film en lui-même.

 

 

Ce qui frappe d'abord dans Jusqu'en Enfer, c'est sa plastique réellement jubilatoire. Que ce soit au niveau de la photographie ou des cadres, chaque image est réellement sublime et maîtrisée sur le bout des doigts. Mais avec un Sam Raimi aux commandes, qui allie l'esprit déjanté d'Evil Dead aux prouesses visuelles d'un Spider-Man, ce n'est pas si étonnant. Il suffit de voir la scène d'introduction ultra puissante pour s'en convaincre. Scène durant laquelle un jeune garçon se fait capturer par le démon du film qui se termine sur un travelling vertical incroyable et d'une efficacité folle. Sam Raimi annonce la couleur, il nous a fait un film qui envoie sec et qui va nous prendre par les roubignolles et les maltraiter à outrance. Mais ces images n'auraient pas autant d'impact sans un élément essentiel au film, te aux films d'horreur en général : le son ! Outre une musique extrêmement immersive orchestrée par un Christopher Young (déjà compositeur sur Spider Man 3) qui réalise ici un sans faute, il faut ajouter un sound design tout simplement impressionnant qui décuple la force des images pour envoie des "grandes tartes dans ta gueule" au spectateur. Que ce soit dans les apparitions d'un démon réellement flippant, ou celle d'une revenante toute aussi flippante, le son crée une ambiance palpable et amplifie les moments de frousse de façon assez jouissive. Un exemple ? L'une des toutes premières attaques du démon où le réalisateur arrive à nous foutre les jetons en filmant un plafond ! Tout se joue sur le mixages où les sons viennent d'un hors champ que l'on pourrait croire plausible (des bruits de pas à l'étage) pour lentement migrer vers un univers sonore où champ et hors champ s'entremêlent et se confondent (un bruit de portail rouillé qui revient fréquemment et qui fait péter la chair de poule dès qu'on l'entend). Rien que pour ça, la vision de ce film en salle se justifie immédiatement, tellement il serait bête de ce gâcher une expérience aussi puissante par un téléchargement de bouillie pixellisée meurtrière.

 


Mais ce serait trop simple de limite le film à sa simple technique, parce que ce qui le rend efficace c'est également et surtout une réalisation étonnante et un scénario beaucoup plus élaboré que certains voudront bien le croire.


 

Certes, l'idée de départ est on ne peut plus simpliste : une banquière refusant un prêt à une gitane se fait jeter un sort en représailles. Mais à ce constat de départ simpliste s'ajoute un travail sur les personnages pensé et développé dès les premières séquences. En effet, lorsque l'on regarde comment le personnage de Christine arrive à la décision de refuser le prêt il est d'une part impossible de ne pas se reconnaître un minimum dans sa réaction, mais le châtiment qu'elle reçoit apparaît également beaucoup moins disproportionné. Alison Lohman interprète un personnage très attachant c'est vrai, mais un personnage lâche qui se laisse marcher sur les pieds et n'assume pas ses responsabilités. En refusant le prêt, elle cherche à prouver qu'elle ne mérite pas toutes les humiliations qu'elle subit dans son travail, qu'elles soient volontaires ou non. Mais en faisant cela, se trahi elle-même, n'arrive pas à gérer une situation qui la dépasse et au final fini par infliger les même humiliations dont elle est victime à une personne qu'elle prend en pitié dès le départ. En se soumettant à un système hiérarchique proche de la loi de la jungle, elle perd une part de son humanité, détruit une personne moralement et publiquement, et écope d'un châtiment s'apparentant cette fois à celui de la loi du Talion. S'ensuit un film d'horreur que l'on pourrait juger plus classique si le parcours entrepris par Christine pour se défaire de la malédiction dont elle est victime, n'était semblable à un parcours intérieur la mettant face à se responsabilités pour la pousser à les assumer. C'est quelque chose d'au final en apparence tout con qui va avoir au final des conséquences bien plus graves qu'on aurait pu le penser. Et en même temps, quand on sait que Christine refuse le prêt pour avoir une promotion, l'attachement n'en est que plus grand et l'on se reconnaît finalement très bien dans cette petite blonde. Et ça, c'est ce que l'on appelle une putain d'identification aux personnages, et c'est ça qui donne toute sa force au film !

 

Et après, Sam Raimi remet une couche d'excellence avec une mise en scène réellement bien pensée et qui tranche au final complètement avec les objectifs d'un Evil Dead. Certes, le réalisateur garde ici son penchant cartoonesque dans les scènes d'horreur pure, mais elles sont montrées ici de façon tellement frontale, que ce coté loufoque devient réellement malsain. La scène de la voiture au début du film en est le meilleur exemple. Mais à coté cet aspect outrancier, il faut voir à quel point le hors champ prend une ampleur et une importance capitale dans ce film. Ce n'est pas pour rien si le démon est toujours montré au travers d'ombres. Car les ombres, quoi qu'on y fasse sont toujours présente dans une image, et quand Sam Raimi fait surgir une menace du hors champ pour la matérialiser ensuite par une ombre sur un mur, il donne au hors champ une dimension omniprésente et enferme son personnage principal dans une situation inextricable, prisonnière d'un monde qu'elle est la seule à voir et donc par essence, lui-même hors champ aux yeux des autres personnages du film. Et puis ça fait aussi vachement plaisir de voir un film d'horreur qui utilise la caméra portée de façon intelligente, vu qu'elle ne se manifeste que lorsqu'elle se pose en tant que représentation du démon, décrit textuellement dans le film, comme une force incompréhensible et incontrôlable.

 

 

Après le film n'est pas exempt de tout défaut, on regrettera par exemple la présence d'un insipide Justin Long (geek McGyver dans Die Hard 4), dans l'absence de caméo de notre ami Bruce Campbell, grand pote du réalisateur, ou dans la fâcheuse tendance qu'a ce bougre de Sam Raimi à s'autociter en renvoyant plusieurs fois à la série des Evil Dead. Des clins d'œil trop nombreux qui en deviennent agaçants.

 

Mais bon, ceci n'altère en rien l'incroyable qualité de ce film, et ça n'annule pas non plus la pure et simple obligation que chacun se doit d'aller voir ce film en salle, parce que c'est une véritable tuerie !

 

Publié dans cinoche

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